Actions - Lettres envoyées English
M. Jean Charest, Quebec Premier

Coalition contre le mégadépotoir de Danford
Coalition Against Danford Mega-dump
57 Rte 301 Danford Lake (Québec) J0X 1P0


M. Jean Charest,
Premier ministre du Québec

Ministère du Conseil exécutif
Édifice Honoré-Mercier, 3e étage
835, boul. René-Lévesque Est
Québec (Québec) G1A 1B4

Ministère du Conseil exécutif
770, rue Sherbrooke Ouest, 4e étage
Montréal (Montréal) H3A 1G1

Danford Lake, le 20 janvier 2006

 

Objet :  Mauvaise gouvernance, manque de transparence et violation du processus démocratique à Danford Lake (municipalité d’Alleyn-et-Cawood, MRC de Pontiac, Région de l’Outaouais) concernant le      projet de site d’enfouissement     technique (Centre d’innovation, d’enfouissement et de valorisation     de l’Outaouais de Danford Lake)

Monsieur le Premier ministre,
 
Nous nous permettons de vous écrire pour dénoncer une mauvaise gouvernance, un manque flagrant de transparence, ainsi que des atteintes à la démocratie dans le dossier susmentionné et pour vous demander de protéger nos droits de citoyens.

Une compagnie privée nouvellement créée (LDC, Gestion et Services environnementaux) a obtenu du Conseil municipal d’Alleyn-et-Cawood l’autorisation de mener une étude d’impact environnemental au sujet de l’établissement, dans cette municipalité, d’un nouveau « lieu d’enfouissement technique » (LET) qui desservirait toute la région de l’Outaouais. Il s’agit d’un mégaprojet, puisque le site pourrait recevoir jusqu’à 240 000 tonnes de déchets par année (soit, au bout du compte, une montagne de déchets correspondant à un immeuble de 22 étages). Le site retenu est – ce qui est inouï– situé au beau milieu d’une région sauvage de toute beauté et entouré de lacs, de rivières et de forêts qui font, depuis plus d’un siècle, le bonheur de la population locale et régionale, des touristes, des villégiateurs, des amateurs de chasse et pêche et des amoureux de la nature en général (dont Pierre E. Trudeau et sa famille).

S’il se réalisait, ce projet changerait à jamais la nature et l’image de cette région du Québec, sans parler du village de Danford Lake lui-même. Les avantages strictement économiques que la municipalité en retirerait ne pourraient en aucun cas compenser ses énormes désavantages. Même en admettant que ce mégadépotoir fonctionne comme il le faut, la hausse de la circulation routière et l’impact sur l’économie locale et régionale seront gravissimes. Et s’il fonctionne mal ou est mal géré, ce LET fera de Danford Lake un village-fantôme et détournera, pour des siècles à venir, cette région de l’une de ses vocations, qui est le tourisme et la villégiature.

Soutenir un projet de cette envergure n’est pas une décision qu’un conseil municipal devrait prendre à la légère. Or, les démarches prises jusqu’ici par ce conseil se caractérisent par le secret, la désinformation et la rétention d’information. En réponse à ce manque de transparence, les citoyens de deux municipalités locales ont formé, le 11 décembre 2005, la Coalition contre le mégadépotoir de Danford (elle sera incorporée comme organisme à but non lucratif dans les jours qui viennent.)

Voici quels sont nos griefs :

  • Le maire et certains conseillers se comportent comme s’ils représentaient le promoteur du projet plutôt que leurs propres électeurs et ne protègent plus les droits des citoyens. De fait, nous avons le sentiment que le maire et certains conseillers cherchent à divulguer le moins d’informations possible et déforment celles qu’ils donnent.  Les droits des citoyens ne seront pas non plus davantage protégés par l’étude d’impact environnemental soi-disant indépendante faite pour le LET en question. Cette étude a été réalisée par une compagnie choisie par le promoteur lui-même et incorporée dans l’entreprise qui sera chargée de l’exploitation et de la gestion du site, en association avec LDC. N’y a-t-il pas là un conflit d’intérêt flagrant ?
  • La lettre (sans en-tête, ni sujet) envoyée par le maire le 5 octobre 2004 informe les citoyens d’Alleyn-et-Cawood qu’en raison des nouveaux règlements, la municipalité devra fermer son dépotoir municipal et que le mieux est de le remplacer par un lieu d’enfouissement moderne. Cette lettre ne contient pas un seul mot de la taille régionale du nouveau site. Elle induit ainsi en erreur le citoyen, lequel en conclut bien évidemment qu’il s’agit simplement de remplacer le vieux dépotoir par un moderne.
  • Chacune des “réunions publiques d’information” organisées par le promoteur et par le Conseil municipal s’est tenue à un moment de l’année où le taux de participation de la population ne pouvait être que minimal : en plein mois de février (soit à un moment où les quelque 500 résidents saisonniers avaient quitté la municipalité) et le premier jour de la chasse (soit le jour où la majorité des hommes du village étaient partis chasser pour faire leur réserve annuelle de viande).
  • Les résidents des autres municipalités (LaPêche, Low, Kazabazua, etc.) vivant le long des routes qu’emprunteraient les camions n’ont jamais été consultés ni invités à ces réunions publiques. Ce n’est qu’après avoir insisté auprès du Conseil municipal que l’exécutif d’une association locale de villégiateurs (l’Association des riverains du lac Danford et des lacs environnants, dans la municipalité voisine de Kazabazua) a été invité à la réunion publique du 29 octobre 2005.
  • Les informations sur le projet peuvent s’avérer très difficiles à obtenir, et le peu d’informations disponibles ne donnent pas un tableau équilibré des enjeux  : seuls les aspects économiques sont mis en avant par le maire et certains conseillers, qui rejettent du revers de la main toute question sur les risques et les inconvénients du projet sous le prétexte que ce type de question ne vise qu’à faire peur aux gens.
  • De nombreuses questions sur le projet ont été posées par écrit au maire en octobre et novembre 2005. Nous avons reçu à la mi-janvier des réponses à certaines d’entre elles, et c’est le promoteur qui nous les envoie, non le maire. Entre-temps, LDC et le conseil municipal ont continué de travailler activement au projet. (Les réponses fournies contredisent d’ailleurs souvent des informations antérieures.)
  • Les difficultés à obtenir des réponses étaient, par exemple, évidentes à la réunion publique d’octobre 2005 susmentionnée et au cours de laquelle de nombreux citoyens se sont dits étonnés et alarmés par un tel projet. Le maire, le promoteur et les experts environnementaux chargés de l’étude d’impact (s’exprimant clairement comme des partenaires dans le projet) ont fait un certain nombre de promesses. Ils s’étaient notamment engagés à répondre aux citoyens par écrit, ainsi qu’à fournir une transcription de la réunion. Nous attendons toujours.
  • Afin de clarifier certaines préoccupations et d’étudier ensemble des alternatives au projet, notre Coalition avait demandé au maire de le rencontrer lui et le conseil municipal. Le maire a refusé.
  • Aux réunions mensuelles du conseil municipal, le maire fait aussi de son mieux pour empêcher une vraie discussion publique. À la réunion de décembre 2005, et en dépit du grand nombre de personnes présentes dans le public, il a cherché à limiter la période de questions à une seule question. À la réunion de janvier 2006, il a autorisé plusieurs questions, mais a refusé de répondre à un grand nombre d’entre elles en demandant aux gens d’envoyer leurs questions par écrit.
  • Les réunions du conseil ne se déroulent pas non plus en bonne et due forme. Ainsi, une résolution proposée durant la réunion de janvier qui demandait la tenue d’un référendum sur le projet ne semble pas avoir fait l’objet d’un vote.  
  • Il n’est pas toujours facile d’obtenir les procès-verbaux des réunions du conseil. Jusqu’au mois de mai 2005, tous les procès-verbaux étaient affichés sur le site Web de la municipalité, mais, à mesure que l’opposition au projet s’est amplifiée, cette pratique a été abandonnée. Nous ne sommes pas non plus toujours convaincus que les procès-verbaux, lorsque nous finissons par les voir, renferment tous les détails pertinents ou reflètent exactement le déroulement des séances.
  • En plus de nos préoccupations touchant l’environnement et la dévaluation de nos propriétés, nous n’arrivons pas non plus à déterminer l’identité des investisseurs ni les qualifications de l’entreprise LDC, nouvellement créée, pour un projet de cette envergure. Le seul investisseur connu pour le projet est la société Cohen and Cohen, compagnie ontarienne de démolition et de recyclage. Pourquoi une compagnie de démolition ontarienne s’intéresse-t-elle à un site d’enfouissement au Québec ? Cela nous préoccupe.
  • Nous sommes aussi choqués par les tentatives délibérées du maire, de certains conseillers et employés municipaux d’effrayer et d’intimider la population. Ainsi, le Conseil municipal brandit la menace de hausses d’impôt de 30-40% si le projet n’est pas réalisé. Au dernier conseil, nous avons demandé au maire sur quels chiffres il se basait. Il nous a été répondu que ces chiffres n’avaient pas vraiment de fondement et que c’était simplement “une façon de parler”. Plusieurs jours après, le maire déclarait, dans la presse, que cette hausse serait de 100 % ! En outre, certains employés municipaux exercent des pressions psychologiques en faveur du projet en intimidant des citoyens qui posent trop de questions.
  • Au dernier conseil municipal, un grand nombre d’entre nous ont demandé au maire d’organiser un référendum sur la question. De la réponse plutôt confuse du maire, nous avons d’abord compris qu’il nous disait d’attendre les audiences publiques du BAPE. Puis, il a insisté qu’il lui fallait d’abord consulter son avocat parce qu’il était trop tard pour revenir en arrière vu que le promoteur avait déjà trop investi dans le projet et pourrait poursuivre la municipalité.

Une telle réponse du maire est absolument stupéfiante. Elle contredit non seulement ce que le maire avait dit en décembre 2005 dans une entrevue sur CBC, mais aussi ce que le promoteur lui-même avait déclaré publiquement à la réunion d’Octobre 2005 (à savoir que le projet ne se réaliserait que si la population était d’accord). Cette réponse est également totalement contraire à la politique gouvernementale selon laquelle une décision finale ne peut être prise que si les résultats des études d’impact ont été jugés satisfaisants et que si le projet a été accepté par la population à la suite d’un processus entièrement démocratique.

Mauvaise gouvernance, goût du secret, désinformation, manque d’objectivité flagrant, pressions et intimidation – tous ces éléments ont convaincu un grand nombre des citoyens d’Alleyn-et-Cawood qu’ils ne peuvent plus faire confiance à leurs élus locaux pour prendre des décisions en leur nom.

Nous vous demandons donc respectueusement de faire enquête sur ces atteintes à la démocratie dans un dossier qui pourrait avoir d’énormes répercussions pour les citoyens d’Alleyn-et-Cawood et des municipalités voisines. Nous vous demandons également de rappeler au maire et à ses conseillers que leur premier devoir est de protéger les intérêts de ceux qui les ont élus et de les écouter.

Nous vous demandons, enfin, de mettre fin à ce projet pour les raisons suivantes :

- Le Maire et le conseil d’Alleyn-et-Cawood ont malmené dès le début le processus démocratique en décrivant à leurs citoyens un projet qui n’avait rien à voir avec le projet actuel (il était seulement question de remplacer le vieux dépotoir par un nouveau).

- Les élus locaux continuent d’imposer un projet potentiellement désastreux à une population qui s’y oppose maintenant en nombres croissants.

- Les élus locaux et le promoteur ont fait preuve d’un mépris inacceptable envers les citoyens des autres municipalités potentiellement touchées par ce projet (dont Kazabazua, Gracefield, Wakefield et Low) en agissant comme s’ils n’avaient aucune voix dans un dossier qui les touche pourtant de très près.

Veuillez recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre très haute considération.

André Carrière, Président

Copie à :

Mme Louise Harel,
Chef de l’opposition officielle

M. Mario Dumont,
Chef de l’Action démocratique du Québec

Mme Nathalie Normandeau,
ministre des Affaires municipales

Monsieur Thomas J. Mulcair,
ministre du Développement durable, de l’Environnement et des parcs

M. Joe Squitti, Maire, Municipalité d’Alleyn-et-Cawood

Mme Charlotte L’Écuyer, députée de Pontiac

M. Réjean Lafrénière, député de la Gatineau

MRC de Pontiac

MRC de la Vallée-de-la-Gatineau

M. Marc Bureau, maire de Gatineau



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